Les observateurs ayant attentivement suivi le discours de la Reine la semaine dernière auront retenu trois points. D’abord, le Lord Chamberlain de la Cour royale. Devenu maintenant plus une décoration constitutionnelle, le Lord Chamberlain était le censeur officiel de représentations théâtrales pendant 231 ans, jusqu’en 1968. Assisté par une équipe de lecteurs de pièces théâtrales, il était toujours capable de modifier les textes – les retournant généralement avec des annotations en crayon bleu – ou d’interdire la mise en scène de toute pièce destinée au grand public, s’il le juge nécessaire à la « la préservation des mœurs, et de la paix publique ».
Ensuite, le point relatif au ministère de la sécurité d’Internet, un poste créé la semaine précédant les élections générales. Entre autres objectifs politiques positifs et louables, Baroness Sields, en charge de ce département, assurera une protection contre les contenus « extrémistes » et « dangereux ». Les efforts du parti conservateur dans le précédent mandat parlementaire ne se sont pas limités à la suppression et à la prévention de contenu illégal. En 2013, ils ont également obligé les fournisseurs d’accès Internet à mettre en place des filtres de contenu. Sous la pression du gouvernement, les principaux fournisseurs britanniques prétendent volontairement que leurs clients souhaitent la mise en place de filtres, à moins qu’ils demandent explicitement le contraire.
Enfin, dernier point, la Loi relative aux pouvoirs d’investigation (Investigatory Powers Bill) (autrefois appelé Communications Data Bill). Cette loi n’est pas encore adoptée, mais selon les rumeurs elle contient des dispositions relatives non seulement au suivi des informations concernant une communication donnée (l’auteur, le destinataire, le lieu et le moment de l’envoi), mais aussi à la communication elle-même. Elle renforcera également les pouvoirs de l’Ofcom (Autorité britannique des télécommunications) de gestion des radiodiffuseurs qui font passer toute sorte de message « extrémiste ». La définition pratique de l’extrémisme est celle qui s’attaque aux « valeurs britanniques » (ou, pour reprendre l’expression, la paix publique).
Il est important de préciser que les services sur demande sont maintenant fréquemment inclus dans la catégorie des radiodiffuseurs.
Cette année le discours de la Reine a inscrit ces évolutions autrement disparates dans un thème pour le gouvernement. Ensemble, elles peuvent avoir un impact plus important que lorsqu’elles sont prises à part, car elles mènent vers une réglementation plus large.
Ceux parmi nous, soucieux d’une règlementation constructive d’Internet, garantissant liberté et industrie prospère, devront peut être suivre de près les commandes de papeterie du Lord Chamberlain – du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la Culture, des Médias et du Sport – pour toute hausse du nombre de crayons bleus. Cela peut servir de baromètre aux futures évolutions.